Dans la continuité du premier thème cinéma de l’année, nous allons aujourd’hui nous pencher sur le film d’animation L'Île aux chiens de Wes Anderson. Le film sort en 2018 et est très bien reçu par la critique comme le public, son casting vocal cinq étoiles ainsi que l’inventivité de son récit et de sa mise en scène sont alors salués.
C’est un film qui utilise la technique du stop motion (ou animation en volume), technique déjà sublimée par son réalisateur dans le passé (Fantastic Mr. Fox). Wes Anderson est reconnu pour le style visuel très marqué de chacun de ses films ; que ce soit par l’originalité des décors, la symétrie des ses plans ou le travail sur la couleur, L’Ile aux chiens s’intègre parfaitement dans cette filmographie ainsi que dans notre cycle sur la thématique canine.
Le film relate l’histoire d’une bande de cinq chiens : Chief, Rex, Boss, Duke et King, qui essaie de survivre sur « l’île poubelle ». Leur présence sur cette l’île est le fait d’une décision municipale qui a pour but d’enrayer une crise sanitaire, propagée par les chiens, qui frappe la ville fictive de Megasaki. Plus tard, un avion s’écrase sur l’île, à son bord se trouve un garçon nommé Atari. Celui-ci est à la recherche de son chien, Spots. L’équipe décide alors de lui venir en aide, on apprendra plus tard que ce jeune orphelin est lié au maire de Megasaki : Kobayashi.
Comme pour sa précédente incursion dans l’animation, Wes Anderson choisit d’anthropomorphiser ses protagonistes par l’intermédiaire de la parole et surtout de la caractérisation pour susciter la réflexion sur de nombreux problèmes sociétaux. Le point important de cette critique porte sur nos rapports variables avec les animaux et notamment les chiens, s’ancrant en cela parfaitement dans notre cycle thématique.
Dès le prologue du film, le personnage de Jupiter présente les relations historiques entre humains et chiens à travers le récit des Guerres Canines. Ce récit explique comment la population canine, autrefois prospère, en est arrivée à la réalité qu’on lui connaît : celle d’être domestiqué par l’homme. Cette introduction insiste sur l’aspect réducteur de la domestication canine pour ensuite faire un parallèle évident avec la maltraitance animale, résumant ainsi parfaitement les rapports entre humains et chiens tels que présentés sur l’intégralité du film. Il existe cependant, au milieu de tous les humains, certains bienfaiteurs ici représentés par l’enfant guerrier puis plus tard par Atari qui lui ressemble trait pour trait. Dans leur trajectoire et leur écriture, les deux démontrent que l’espèce humaine n’est pas fondamentalement mauvaise.
A l’échelle du film, on constate que la dénonciation de la condition animale se double de beaucoup de parallèles avec l’Histoire humaine. On le voit par la question guerrière, les grandes pandémies ou encore la déportation au centre du récit.
Aussi les grands défis écologiques sont mis en avant dans la globalité de l’œuvre. On observe ainsi plusieurs protagonistes, en conflit perpétuel avec le pouvoir en place, grossièrement corrompu, ces protagonistes ont pour point commun de tous appartenir à une jeune génération bien plus consciente des enjeux écologiques et, toujours, de la condition animale.
Là où les personnages humains adultes sont absolument tous détestables, l’exception de la communauté scientifique symbolise le progrès, les personnages canins se révèlent eux étonnamment diplomatiques et rationnels, loin des dérives totalitaires de la municipalité. Ce sens de la diplomatie se poursuit à travers le film, il est notamment question de voter pour prendre les décisions les plus civilisées, à l’inverse des humains.
On peut relever un dernier point qui participe au questionnement de nos relations avec les animaux, c’est celui de la technologie et du progrès technique. On le constate tout d’abord sur le terrain de la question écologique de par la conception environnementale de la ville de Megasaki : ville ultra futuriste préfigurant de futures mégapoles mondiales.
Les dérives relatives à notre appétence pour la technologie vont même jusqu’à remplacer nos compagnons par des répliques robotiques. Les prothèses que portent les chiens anciennement mutilés par les hommes leur donnent en outre un aspect dérangeant, leur design concourant ainsi à dénoncer les ravages de l’homme sur leur apparence. Cela renforce le malaise que pose le transhumanisme sous-jacent compte tenu de la dimension anthropomorphique des personnages.
Si la technologie qui les répare est d’origine humaine, leur mutilation l’est tout autant et figure ainsi à l’image ce que le film ne fait que soulevé sur toute sa durée : le chien souffre de la présence de l’homme tout en continuant à lui rester fidèle. L’espoir d’un avenir meilleur demeure malgré tout, le film agit ainsi un peu comme une fable moderne : réflexive et profondément optimiste malgré la dureté de son propos.
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