Un plan, une couleur, un testament. Bleu. 1h 15. Un adjectif : bouleversant.
Par une expérience cinématographique unique, Derek Jarman nous plonge dans l’histoire de sa vie, l’histoire de ses amants mais aussi et surtout l’histoire d’une maladie. Bleu c’est ce que voit le réalisateur au crépuscule de sa vie désormais atteint de cécité à la suite du sida. Bleu c’est aussi la seule image que le spectateur verra. Dans un état quasi méditatif, nous nous laissons peu à peu entrainer dans ses souvenirs à l’écoute de ses paroles poétiques entremêlées des voix de sa muse Tilda Swinton et de son ami Nigel Terry.
Yves Klein, maitre du monochrome bleu indiquait à son propos que « Le bleu n’a pas de dimension », ainsi si « toutes les couleurs amènent à des associations d’idées concrètes », le « bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel ». Le bleu sera l’écran sur lequel le spectateur projettera ses propres images et l’imagination remplira progressivement la couleur. Il s’agit à ce titre d’un film pour aveugle au même titre qu’un film muet peut exister, ainsi si le projet peut rebuter et sembler difficile d’accès, nous restons en réalité facilement captivés pendant cette heure et quart partagée avec le réalisateur. Il se dégage dans cette œuvre un niveau de proximité et d’intimité rare entre l’artiste et le spectateur, en l’absence d’images animées, nous recevons sans aucun filtre, sans aucune protection, toutes les émotions provoquées par le film. C’est ce qui fait à la fois la force et la difficulté de cette expérience, si la poésie est d’une beauté absolue, son intensité nous submerge par la conscience de la mort prochaine de son auteur. Le réalisateur et son film finissent par se confondre au point que leur fin devient commune.
Ce long requiem s’achève en nous laissant les plus belles phrases du film : « Kiss me on the lips, on the eyes. Our name will be forgotten, in time. No one will remember our work. Our life will pass like the traces of a cloud, and be scattered like mist that is chased by the rays of the sun. For our time is the passing of a shadow, and our lives will run like sparks through the stubble. I place a delphinium, Blue, upon your grave ».
TILDA SWINTON rendant hommage à DEREK JARMAN
par TIMOTHÉ SAUVAGET
Comments