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Photo du rédacteurECRAN DROIT

"BENNI" (2019) - NORA FINGSCHEIDT

Pour sa toute première réalisation Nora Fingscheidt a placé la barre haute avec son film Systemsprenger, connu en France sous le titre Benni.

Son titre original plus qu’évocateur sur le contenu de l’œuvre, retrace un drame social bouleversant.

L’expression « Systemsprenger » évoque l’explosion d’un système et plus précisément le cas où un enfant est tellement incontrôlable qu’il fait tout simplement exploser le système prévu à cet effet, composé de services de protection de l’enfance, de groupes de vie et d’accompagnateurs scolaires.


Le film décrit le parcours bouleversant d’une fillette de neuf ans, à première vue charmante mais totalement imprévisible, qui peut se transformer en bête sauvage enragée à la moindre provocation. Ayant vécu une enfance traumatique qui lui a laissé des séquelles émotionnelles, elle est trimbalée dans le système, de foyer en établissements spécialisés.

L’effet immédiat du film résulte notamment de l’apparence de Benni, qui, si elle ne déverse pas des cascades de gros mots sur les adultes, peut être une fillette adorable et traiter avec beaucoup d’égard et douceur les plus petits. La performance phénoménale de l’actrice principale Helena Zangel soutient parfaitement la mise en scène précise et emphatique de Nora Fingscheidt. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que ce film ait raflé l’essentiel des Lola, les oscars allemands, dont celui de la meilleur actrice.


Les images tout comme la bande son sont dérangeantes, parfois vraiment comme dans un film d’horreur, où soudain la jeune Benni rappelle Regan de « L’Exorciste ».

Une scène entre autres illustre tout particulièrement la violence dont ce film peut témoigner. Lorsque Benni frappe encore et encore sur la glace, avec une force étonnante, la tête d’un petit garçon qui lui a touché le visage par inadvertance en faisant du patin, il est alors difficile pour le spectateur de ne pas vouloir détourner le regard.

L’œuvre semble aussi presque documentaire, la caméra suit l’enfant pratiquement à chaque étape.


C’est un film éprouvant qui montre une succession d’impasses éducatives et l’absence de prise en charge pour ces mineurs qui ont déjà usé toutes les options.

C’est aussi le récit plein d’espoir du combat de son assistante sociale et Micha, son éducateur, qui tenteront tout pour apaiser ses souffrances et l’aider à trouver sa place.

En regardant Benni, on ne peut qu’espérer que tout va s’arranger mais Nora tient son scénario jusqu’au bout d’une manière implacable. Elle ne facilite la tache ni à ses personnages, ni aux spectateurs, il n’y a pas de solution magique, pas une seule chose qu’il suffirait de bien faire pour que tout s’arrange.

Le film reste pourtant rapide, bouleversant et entrainant. L’énergie déployée par l’actrice principale est si explosive et contagieuse qu’elle nous emporte dans une spirale à travers son interprétation. Ce n’est en tout cas pas une « belle » histoire, l’expression utilisée par Albert Londres en est d’ailleurs une bonne illustration - Nora Fingscheidt « porte la caméra dans la plaie ».


Il ne vous reste donc qu’une chose à faire : voir ce film, mais il n’est pas garanti que vous ne verserez pas une petite larme.

ENORA LE POLLES

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