« Divertissement ou propagande d’extrême droite ? »
Le film de Cédric Jimenez, Gilles Lellouche et François Civil nous propulse dans le monde inconnu et terrifiant des quartiers nord de Marseille. Inconnu, car trop dangereux et sous le joug d’une poignée de ses habitants, ces lieux-dits surplombant la côte méditerranéenne est le théâtre d’une guerre civile entre gangs rivaux et membres des forces de l’ordre. Il s’agît d’une zone interdite où les seules options sont de choisir son camp ou, si les circonstances le permettent, d’en sortir.
C’est ce qui est illustré dans le film « BAC NORD ». Pourtant une question subsiste. Quel point de vue adopter ? BAC ? Trafiquants ? IGPN ? Qui est le gentil ? Qui est le méchant ?
L’intrigue de ce film est à première vue d’une neutralité intéressante dénonçant une situation paradoxale. En effet : Greg, Yass et Antoine sont 3 membres de la BAC nord de Marseille. A l’aide d’Amel, l’informatrice d’Antoine, les 3 policiers espèrent démanteler un réseau de trafic de stupéfiant. Seulement l’information manquante n’en est pas moins gratuite et Amel demande 5 kilos de résine de cannabis en contrepartie. Les trois protagonistes ont l’aval de la hiérarchie et décident de se fournir la marchandise via les petites saisies réalisées sur le terrain. Le coup est un succès, la police réalise une des plus grosses saisies de l’histoire de la BAC nord.
Mais après avoir fêté leur victoire, l’IGPN (inspection générale de la police national) interpelle et place en détention provisoire les 3 policiers pour trafic de stupéfiant en bande organisée. Abandonnés de leur hiérarchie, Antoine n’a pas d’autre choix que de révéler l’identité d’Amel aux enquêteurs.
Tout y est ! Le scénario, le casting, le budget. Les ingrédients d’un bon film d’action sont réunis ! Et incontestablement, le long-métrage est un sans-faute au regard de la qualité artistique et de la mise en scène.
Pourtant, il semble qu’ici, les termes « inspirés de faits réels » ne doivent pas être laissés au hasard car de surcroît ils ont des conséquences non négligeables sur l’appréhension du public.
Et pour cause, il s’agît en tout état de cause d’un synopsis dérangeant qui dénonce l’hypocrisie d’un système. Par conséquent, on peut s’attendre à voir un film sur l’éthique, donnant une leçon de morale à l’Etat, où l’on dépeint, de façon empathique, le paysage d’une cité en proie à la misère et la pauvreté.
In fine, les policiers et les riverains ont un point commun : l’abandon de l’Etat. L’affect général prédéfinit est en faveur de la BAC nord, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on lit le scénario et cela est bien illustré par la dureté de leur mission au regard du lieu de l’exercice de leur fonction. Ainsi, « Bac nord » dépeint une situation où des policiers sont livrés à eux-mêmes dans une zone de non-droit et n’ont d’autre moyen que de braver la ligne de la légalité pour arriver à leur fin.
Mais contrairement au film « Les misérables » de Ladj Ly, où l’on y voit des membres de la BAC établissant un lien avec les riverains tout en étant compréhensifs, souples et tolérants, (ce qui donne à ces derniers de quoi souffler eu égard de la pression des stéréotypes subis), les habitants des quartiers nord de Marseille sont, dans le film, des criminels, des malfaiteurs, des assassins, incapable d’avoir un discernement entre le bien et le mal.
Le réalisateur leur a enlevé ce qui semble essentiel à la compréhension de la réalité d’un sujet aussi délicate que celle de l’éducation au sein des quartiers : toute humanité. Aucune scène de partage et de sociabilité entre riverains. Aucun enfant souriant et sain d’esprit. Aucune famille. La population est quasiment entièrement masculine et la quasi-totalité travail pour un trafiquant. En effet, ce film est naturellement prenant, angoissant, hypnotisant, poignant mais il est cependant le parfait instrument de propagande pour certains partis politiques douteux, l’utilisant à des fins électorales. « Les gardiens de la paix, victimes non seulement d’un Etat défaillant et hypocrite mais également essoufflé par l’infini problème de l’immigration massive incontrôlé et une fois installé dans ses quartiers, incontrôlable ». Tel est le message du film, tel est le discours des politiciens d’extrême droite.
Ce film est donc dangereux, pour plusieurs raisons car d’une part il impose à son public une image des quartiers nord de Marseille incomplète. Et d’autre part, car il pourrait rendre légitime et acceptable la mise en place de mesures radicales à l’encontre des cités dont le démantèlement et l’expulsion de ses populations semblent être l’utopie rêvée de l’idéologie d’extrême droite.
PAR JULIEN GUERRE-BERTHELOT
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