par ASMA SEDDIKI
ISHAEEN KHATTAR (MAAN KAPOOR) & TABU (SAEEDA BAI)
Au delà des amours croisés d'une jeune fille et des dessins tragiques des personnages, cette série - tirée du célèbre roman de Vikram Seth de 1993 - traite avec justesse d'un contexte particulièrement compliqué, et se veut porte parole des maux des années 50 en Inde.
Dans sa quête d'un "homme convenable" pour sa fille (déjà en proie à l'amour de trois hommes aux situations sociales et religions différentes), une mère arpente l'Inde et jouit de l'hospitalité des membres de sa famille. Alors que drames familiaux se juxtaposent, le peuple est lui en quête d'identité. Ce peuple est notamment représenté par des personnages aux religions, mœurs, idéaux et castes différents, tout en étant liés par leur quête de paix et d'amour.
Les thèmes abordés se veulent vastes mais mêlant toujours délicatesse et vérité. En passant par la complexité du système indien post-indépendance, le viol, le séparatisme religieux, le crime et les liens familiaux, la série s'identifie des réalisations classiques hindous par son approche singulière.
Sans prendre part dans un débat religieux, sociétal, social, politique ou même géographique, la mini-série apporte lumière et compréhension sur les sujets de l'époque. Alors que le Pakistan et l'Inde n'ont plus aucun dialogue et tentent tant bien que mal de s'affirmer via un pouvoir laissé en miettes par les colons, le peuple pâtit de cette situation, démuni de tout moyen. Tensions éclatent alors au sein des familles, les rues font face à un déferlement, non pas de haine, mais d'identités. Trouver sa place au sein d'une famille, c'est aussi et d'abord, trouver sa place en société.
Fomenter une révolte ou en devenir une victime meurtrie ne sont plus ici les deux seules issues possibles ; alors que certains choisissent l'indifférence, d'autres fuient pendant que d'autres encore tentent de contrer ces révoltes qui ont divisé le peuple indien tout au long de cette ère. On assiste au deuil d'une civilisation via celui de familles, entourées d'une aura des plus dramatiques qui se veut miroir de la société. Les images qui se veulent sanglantes par moment entrent ainsi en décalage avec des jours historiques où l'Inde scelle son destin. L'on pourrait y voir la volonté des réalisateurs d'imposer un séparatisme universel de par ses facettes multiples.
Dès lors, l'on tente à en dégager les valeurs, les idéaux, les cultes et les aspirations qui sont susceptibles de séparer et ceux qui peuvent rassembler. Cependant, la réalisation postule de l'absolutisme de l'unicité, en tant qu'Homme. Le séparatisme n'est qu'un leur, tandis que l'union est la réponse à ces maux.
Peut être certes que le scénario bénéficie d'un recul nécessaire pour transposer ces faits historiques de manière subtile mais suffisante pour être entendus. Il n'en demeure pas moins que ce dernier se veut, par dessus tout, unificateur et romancé. A travers les périples de familles, d'amitié, d'amour, il semble ici que le plus important ne réside pas dans le schisme sociétal de l'époque, mais dans les malaises du peuple.
Une série arrosée évidement à l'eau de rose, dramatique de par ses sujets, juste de par sa volonté d'unicité, mais surtout empreinte d'une beauté unique de par ses décors majestueux et ses mélodies. Une parfaite combinaison entre la série dramatique par définition et une réalisation aux tournures historiques et engagées.
Disponible sur Netflix.
ASMA SEDDIKI
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